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25 mars 2021

Erreur de dénomination d’une partie : irrégularité de forme ou défaut de capacité à agir ?


Arrêt de la Deuxième Chambre civile de la Cour de Cassation du 4 février 2021, N° 20-10685

https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/deuxieme_chambre_civile_570/107_4_46404.html


Préambule


L’irrégularité de forme constitue une exception de procédure.

Elle est encadrée par les articles 112 à 116 du Code de procédure civile.

Pour être accueillie à l’appui d’une exception de nullité, la partie qui l’invoque doit rapporter la preuve d’un grief.

La capacité à agir est prévue à l’article 117 alinéa 2 du Code de procédure civile.

Il s’agit d’une exception de procédure relevant des irrégularités de fond limitativement énumérées à ce même article[1]


En application de l’article 120 alinéa 2 du Code de procédure civile, le défaut de capacité à agir peut être relevé d’office par le juge[2]


En l’espèce


Il s’infère de l’exposé des faits et de la procédure tels que retranscrits à l’arrêt de la Cour de Cassation que la Société L’ARAIGNEE DE LA ROCHE a saisi le Tribunal de grande instance d’une demande en annulation de la vente d’une parcelle de terrain.

Aux termes d’un jugement rendu le 5 février 2018, le tribunal l’a déboutée de ses demandes.

La société a interjeté appel de cette décision, la déclaration d’appel étant formée au nom de la Société L’ARAIGNEE SOUS LA ROCHE.

L’intimée s’est saisie de cette erreur de dénomination pour soulever devant le Conseiller de la mise en état, une exception de procédure tirée de la nullité de la déclaration d’appel ainsi que l’irrecevabilité des conclusions de l’appelante régularisées au nom de la Société L’ARAIGNEE SOUS LA ROCHE .

Aux termes d’une ordonnance du 28 mai 2019, le Conseiller de la mise en état a déclaré nulle la déclaration d’appel et irrecevables les conclusions déposées par la « SCI L’ARAIGNEE SOUS LA ROCHE ».

L’appelante a déféré cette ordonnance à la Cour, qui a néanmoins confirmé la décision du Conseiller.

A l’appui de son pourvoi, la Société L’ARAIGNEE DE LA ROCHE a fait valoir :

« qu’une erreur relative à la dénomination de la personne morale ne la prive pas de la capacité d’ester en justice, qui est attachée à la personne quelle que soit sa désignation, et ne constitue qu’une simple irrégularité de forme susceptible d’être régularisée ; qu’en décidant qu’en raison de la désignation de la société L’Araignée de la Roche par le nom L’Araignée « sous » la Roche, dans les actes de procédure, la procédure concernerait une société inexistante dépourvue de capacité d’ester en justice et que cette irrégularité serait une irrégularité de fond qui ne serait pas susceptible d’être couverte, la cour d’appel a violé les articles 114 et 117 du code de procédure civile.  »



L’enjeu


De façon constante, la jurisprudence juge que la régularisation d’un acte nul régularisé à la requête d’une personne morale dépourvue de personnalité juridique est impossible.

Ici, il est vraisemblable que se prévalant de l’erreur de dénomination sociale, l’intimé a cherché à voir reconnaitre le fait que l’appelante ainsi dénommée était dépourvue de capacité agir, faute de personnalité juridique en tant que telle.

Or d’une part, cette exception de procédure n’est pas soumise à la preuve d’un grief, ce qui facilite grandement la tâche de l’intimé qui s’en prévaut.

D’autre part, il était impossible à l’appelante de couvrir l’irrégularité de fond[3

L’arrêt du 10 février 2021


Au double visa des articles 114 et 117 du Code de procédure civile, la Cour de Cassation juge :


« Il résulte de ces textes que, dans un acte de procédure, l’erreur relative à la dénomination d’une partie n’affecte pas la capacité à ester en justice qui est attachée à la personne, quelle que soit sa désignation, et ne constitue qu’un vice de forme, lequel ne peut entraîner la nullité de l’acte que sur justification d’un grief.

Pour dire n’y avoir lieu à déféré et maintenir l’ordonnance du 28 mai 2019, l’arrêt retient que c’est par une exacte appréciation des éléments qui lui étaient soumis que le conseiller de la mise en état a dit que « la SCI L’Araignée sous la Roche » n’avait pas la capacité d’ester en justice puisqu’elle n’avait pas d’existence juridique et que l’inexistence d’une personne morale qui agit en justice n’est pas une irrégularité susceptible d’être couverte.

En statuant ainsi, alors que la désignation de la société l’Araignée de la roche sous le nom de L’Araignée sous la roche dans la déclaration d’appel et les conclusions, qui s’analysait, en réalité, en une erreur de dénomination de la société, constituait un vice de forme, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».



Il en résulte que la simple erreur de dénomination d’une partie ne peut être assimilée à une absence de personnalité morale et, de fait, à un défaut de personnalité juridique.

En tant que telle, cette solution a tout son sens, dans la mesure où en réalité, si l’on pouvait reprocher à l’appelante une erreur matérielle, on ne pouvait lui dénier toute existence juridique.

Il en irait tout autrement si l’appel avait été formé au nom d’une personne morale inexistante, par exemple pour une société dissoute.

Cette solution a vocation, de la même façon, à s’appliquer à la partie personne physique.





[2] Art. 120, al. 2 : Le juge peut relever d'office la nullité pour défaut de capacité d'ester en justice. L’utilisation du verbe « pouvoir » implique donc qu’il ne s’agir que d’une simple faculté laissée à la discretion du juge.
[3] En ce sens : Civ. 2ème., 11 sept. 2003, N° 01-14493 : « Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte de ses propres constatations que la demanderesse à l'instance n'était qu'une dénomination sociale sans personnalité morale, et que l'irrégularité d'une procédure engagée par une partie dépourvue de personnalité juridique est une irrégularité de fond qui ne peut être couverte, la cour d'appel a violé les textes précités »

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