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09 mai 2022

ASSURANCE DE RESPONSABILITE PROFESSIONNELLE DU CONSTRUCTEUR : L'ACTIVITE DECLAREE, ET RIEN QUE L'ACTIVITE DECLAREE


Arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de Cassation du 2 mars 2022, N°21-12.096


Préambule



La garantie décennale prévue aux articles 1792, 1792-2 et 2270 du Code civil, fait peser sur le constructeur, pendant 10 ans à compter de la réception, une présomption de responsabilité pour les désordres  qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou le rendent impropre à sa destination en l’affectant dans un de ses éléments constitutifs, ou dans un de ses éléments indissociables.

À ce titre, toute personne dont la responsabilité est susceptible d’être engagée sur le fondement de la responsabilité civile décennale est tenue d’une obligation d’assurance afin de garantir ce risque, en application de l’article L 241-1 du Code des assurances.

Cette obligation assurantielle est également prévue à l’article L 242-1 du Code des assurances, selon lequel :

« Toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l'ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, fait réaliser des travaux de construction, doit souscrire avant l'ouverture du chantier, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs, une assurance garantissant, en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l'article 1792 du code civil ».

Lorsqu’il souscrit à une assurance professionnelle, l’entrepreneur déclare alors ses activités.

C’est sur la base de cette déclaration que l’assureur évalue le risque et le tarif des cotisations applicable.

Le présent arrêt constitue une nouvelle illustration du risque qui pèse sur l’assuré qui s’est abstenu de déclarer son activité à l’assureur.


En l’espèce



Il s’infère de l’exposé des faits et de la procédure de l’arrêt commenté, qu’un particulier a confié des travaux de terrassement et de construction d’une maison à une entreprise de gros œuvre.

À la suite de problèmes d’isolation, et après expertise, le maître d’ouvrage a assigné l’entreprise et son assureur en indemnisation de son préjudice.

L’entreprise de travaux a sollicité, reconventionnellement, le paiement du solde de son marché.

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence a rendu un arrêt le 17 décembre 2020, à l’encontre duquel le constructeur a formé un pourvoi.

L’entreprise fait grief à l'arrêt d’avoir rejeté son recours en garantie à l’encontre de son assureur.

Elle invoque que la clause du contrat d'assurance, excluant la garantie des travaux exécutés en qualité de constructeur de maisons individuelles, fait échec aux règles d'ordre public relatives à l'étendue de l'assurance de responsabilité obligatoire en matière de construction et doit, par suite, être réputée non écrite.


Problématiques soulevées et portée de l’arrêt



Aux termes de son arrêt rendu le 2 mars 2022, la Cour de cassation dresse un état de la jurisprudence applicable depuis 1997 : si le contrat d’assurance de responsabilité obligatoire que doit souscrire tout constructeur ne peut comporter des clauses et exclusions autres que celles prévues par l’annexe I à l’article A 243-1 du Code des assurances [1] la garantie de l’assureur ne concerne que le secteur d’activité professionnelle déclaré par le constructeur (Civ 1ère 28/10/1997 n°95-19.416 ; Civ 3ème 28/09/2005 n°04-14.472 ; Civ 3ème 18/10/2018 n°17-23.741).

En ce sens, et sauf à ce que les travaux réalisés font nécessairement partie de l’activité déclarée (Civ 3ème 28/02/2018 n°17-13.618 : pour la pose de carrelage, incluse dans l’activité de maçonnerie générale), l’absence de déclaration d’une activité ne permet pas la mobilisation de la garantie décennale.

C’est ce qu’approuve la Cour de Cassation, en rappelant que la Cour d’appel a, à juste titre, considéré que l’assureur qui refusait sa garantie au titre de l'activité déclarée, invoquait non une clause d'exclusion de garantie, mais un cas de non-assurance.

La jurisprudence précitée relative à la clause d’exclusion de garantie n’est donc pas applicable en l’espèce.

La Troisième chambre civile juge dès lors que la Cour d’appel, qui avait constaté que l’objet du marché conclu avec la propriétaire et le professionnel portait sur la construction d’une maison basse consommation, clé en main, de type Euromac, hors assainissement et peinture intérieure, comprenant gros œuvre et second œuvre, hors terrassement, fosse septique et étanchéité, a relevé qu’une clause précise, en caractère gras, des conditions générales, reprise dans les conditions particulières, stipulait que l’assureur ne garantissait pas l’assuré intervenant en qualité de constructeur de maisons individuelles.

La Cour de cassation rejette donc le pourvoi.

Deux enseignements à tirer de cet arrêt :

D’un point de vue juridique : la conséquence d’une activité non déclarée par l’assuré se résume en une non-assurance, laquelle ne saurait être assimilée à un refus de garantie fondé sur une clause d’exclusion de garantie.

D’un point de vue pratique : les réponses aux questions relatives aux activités déclarées, mentionnées au formulaire de demande de souscription d’assurance, doivent être précises et correctes, dans la mesure où elles conditionneront la mobilisation de la garantie assurantielle, qui n’aura vocation à s’appliquer que dans le seul cadre desdites activités déclarées.

De la même façon, l’assuré devra veiller à déclarer toute nouvelle activité en cours de contrat, dans le cadre de l’évolution de son entreprise.






[1] , à savoir le fait intentionnel ou du dol du souscripteur ou de l'assuré, les effets de l'usure normale, du défaut d'entretien ou de l'usage anormal, ou la cause étrangère

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