08 mars 2022
FOCUS SUR LA NOUVELLE REDACTION DE L'ARTICLE 901 CPC
Les professionnels du droit ont tous en tête l’arrêt de la Cour de Cassation rendu le 13 janvier 2022[1], aux termes duquel :
"6. Selon l'article 901, 4°, du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, la déclaration d'appel est faite, à peine de nullité, par acte contenant notamment les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. En application des articles 748-1 et 930-1 du même code, cet acte est accompli et transmis par voie électronique.
7. En application de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, seul l'acte d'appel emporte dévolution des chefs critiqués du jugement.
8. Il en résulte que les mentions prévues par l'article 901, 4°, du code de procédure civile doivent figurer dans la déclaration d'appel, laquelle est un acte de procédure se suffisant à lui seul.
9. Cependant, en cas d'empêchement d'ordre technique, l'appelant peut compléter la déclaration d'appel par un document faisant corps avec elle et auquel elle doit renvoyer.
10. Ayant constaté que les chefs critiqués du jugement n'avaient pas été énoncés dans la déclaration d'appel formalisée par la banque, celle-ci s'étant bornée à y joindre un document intitulé « motif déclaration d'appel pdf », la cour d'appel, devant laquelle la banque n'alléguait pas un empêchement technique à renseigner la déclaration, en a exactement déduit que celui-ci ne valait pas déclaration d'appel, seul l'acte d'appel opérant la dévolution des chefs critiqués du jugement".
Cet arrêt, largement commenté, a constitué un nouvel exemple des contraintes, croissantes, initiées depuis le décret "Magendie" du 9 décembre 2009, qui ne cessent de peser spécialement sur les avocats.
Ouvrons une parenthèse : depuis l'entrée en vigueur du 6 mai 2017, la déclaration d'appel doit mentionner les chefs de jugement expressément critiqués, lesquels opèrent dévolution de l'appel.
Deux sanctions sont applicables en cas de non respect à cette exigence :
- la nullité pour vice de forme
- l'absence d'effet dévolutif de l'appel.
En pratique, lorsque la communication se fait par voie électronique, les chefs de la décision critiquée sont ajoutés dans l'encart "Objet/portée de l'appel".
Or, le système limite le nombre de caractères à 4080, si bien qu'en raison de cet empêchement technique, l'appelant doit recourir à une alternative : celle de joindre une annexe à sa déclaration d'appel récapitulant sous forme de fichier pdf les chefs critiqués de la décision dont appel.
C'est la possibilité qui avait été offerte par la Circulaire du du 4 août 2017 prise pour l’application du décret du 6 mai 2017 :
"Dans la mesure où le RPVA ne permet l’envoi que de 4080 caractères, il pourra être annexé à la déclaration d’appel une pièce jointe la complétant afin de lister l’ensemble des points critiqués du jugement. Cette pièce jointe, établie sous forme de copie numérique, fera ainsi corps avec la déclaration d’appel. L’attention du greffe et de la partie adverse sur l’existence de la pièce jointe pourra opportunément être attirée par la mention de son existence dans la déclaration d’appel".
Certaines Cours d’appel[2], puis la Cour de cassation, ont jugé que l'appelant ne peut recourir à l'annexe qu'en raison d'un empêchement technique, en l'occurence l'hypothèse où les chefs du jugement critiqué à rappeler excèderaient les 4080 caractères.
Selon cette jurisprudence, seul l’acte d’appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement, peu important les mentions figurant sur le fichier joint à l’acte d’appel, lequel, en l'absence d'empêchement technique, n’est pas de nature à opérer dévolution .
Dans le prolongement de ces décisions, un décret n° 2022 du 25 février 2022 et un arrêté du même jour, ont été publiés.
Diverses dispositions ont été instaurées, notamment quant à la question de l'extension du recours à la médiation.
Il a également été annoncé que ces textes tendaient à répondre à l'obligation de recourir ou non à une annexe lors de la formalisation de l'acte d'appel.
L’espoir fut de courte durée.
Car si l’intitulé du décret "favorisant le recours à la médiation, portant application de la loi pour la confiance dans l'institution judiciaire et modifiant diverses dispositions", est plutôt « vendeur », à y lire de plus près, la modification apportée à l’article 901 du CPC ne semble être d'aucun secours.
Aux termes de son article 16, le décret du 25 février 2022 a modifié l’article 901 de la façon qui suit :
"La déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le cinquième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité :
1° La constitution de l'avocat de l'appelant ;
2° L'indication de la décision attaquée ;
3° L'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ;
4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Elle est signée par l'avocat constitué. Elle est accompagnée d'une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d'inscription au rôle".
L’arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les Cours d’appel a pareillement été complété/modifié par l’arrêté du 25 février 2022, en ses dispositions 3 et 4, lesquelles prévoient désormais que :
Article 3 [3] :
« Le message de données relatif à l'envoi d'un acte de procédure remis par la voie électronique est constitué d'un fichier au format XML destiné à faire l'objet d'un traitement automatisé par une application informatique du destinataire.
Lorsque ce fichier est une déclaration d'appel, il comprend obligatoirement les mentions des alinéas 1 à 4 de l'article 901 du code de procédure civile. En cas de contradiction, ces mentions prévalent sur celles mentionnées dans le document fichier au format PDF visé à l'article 4. »
Article 4 :
« Lorsqu'un document doit être joint à un acte, ledit acte renvoie expressément à ce document.
Ce document est communiqué sous la forme d'un fichier séparé du fichier visé à l'article 3. Ce document est un fichier au format PDF, produit soit au moyen d'un dispositif de numérisation par scanner si le document à communiquer est établi sur support papier, soit par enregistrement direct au format PDF au moyen de l'outil informatique utilisé pour créer et conserver le document original sous forme numérique. »
A aucun instant ces textes ne modifient la solution dégagée par la Cour de Cassation.
L'utilisation de l'adverbe "le cas échéant", inséré à l'article 901, n'est pas anodine.
Ainsi, il demeure que dans le cas où le nombre de caractères excède le seuil de 4080, l’appelant sera amené à joindre une annexe à sa déclaration d’appel, pour cause d'empêchement technique à utiliser l'encart normalement prévu au rappel des chefs de la décision critiquée.
A l'inverse, si ce plafond n'est pas atteint, l'appelant devra reproduire les chefs de la décision attaquée dans l'encart prévu à cet effet : l'utilisation de l'annexe est ici considérée comme n'ayant pas d'objet en l'absence d'empêchement technique, et elle ne peut donc, dès lors, opérer effet dévolutif.
De ce point de vue, la modification de l'article 901 n'apporte aucune valeur ajoutée à la pratique.
De surcroit, alors qu’on espérait une simplification de l’acte d’appel, il n’en est rien.
Les textes mettent de nouvelles obligations à la charge de l’appelant : là où la circulaire du 4 août 2017 prise pour l’application du décret du 6 mai 2017 n’instaurait qu’une faculté pour l’appelant de renvoyer, le cas échéant, à l'annexe jointe à sa déclaration d’appel, désormais l'article 4 de l'arrêté du 20 mai 2020 instaure une véritable obligation à ce titre :
"Lorsqu'un document doit être joint à un acte, ledit acte renvoie expressément à ce document".
Aussi, après avoir complété les mentions prévues aux 1° à 4° de l’article 901, l’appelant devra spécifier expressément, en pied du formulaire de déclaration d’appel, que l’acte d’appel renvoie à une annexe, le cas échéant.
A défaut de renvoi, on peut s'attendre à ce qu'il soit jugé que l'annexe ne fait pas corps avec la déclaration d'appel, et que l'effet dévolutif n'a pas opéré.
Enfin, l’arrêté du 25 février ajoute qu’en cas de contradiction entre les mentions portées à l’annexe et celles enregistrées via le formulaire de déclaration d’appel sur l’interface e-barreau, ces dernières priment sur les premières.
Conclusion :
Ces textes ne vont en rien dans le sens d’une simplification de l'acte d’appel.
Le conseil de l’appelant continuera à veiller à ne pas dépasser les 4080 caractères concernant les chefs du jugement critiqués.
Le cas échéant, il sera conduit à joindre une annexe à sa déclaration d’appel, laquelle ne le dispensera pas de compléter le formulaire de déclaration d’appel prévu à cet effet via l’interface e-barreau, concernant les mentions prévues à l’article 901, 1° à 4°.
Qui plus est, au regard du risque de sanction encourue, il devra prendre le soin de préciser expressément que ladite déclaration d'appel renvoie à une annexe figurant en pièce jointe, laquelle sera insérée au stade de la validation de l'acte et de l'envoi au greffe.
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