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12 avril 2021

Computation du délai prévu à l'article 911 du CPC


Arrêt de la Deuxième Chambre civile de la Cour de Cassation du 25 mars 2021, N° 19-20636

https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/arrets_publies_2986/deuxieme_chambre_civile_3170/2021_10032/mars_10047/248_25_46732.html


Préambule



L’article 911 alinéa 1er du Code de procédure civile dispose :


« Sous les sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 910, les conclusions sont notifiées aux avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe de la cour. Sous les mêmes sanctions, elles sont signifiées au plus tard dans le mois suivant l'expiration des délais prévus à ces articles aux parties qui n'ont pas constitué avocat ; cependant, si, entre-temps, celles-ci ont constitué avocat avant la signification des conclusions, il est procédé par voie de notification à leur avocat ».


En application de ce texte, il appartient aux parties ayant conclu dans les délais prévus aux articles 905-2, 908 à 910 de signifier par acte extrajudiciaire leurs écritures aux parties qui n’ont pas constitué avocat « dans le mois suivant l’expiration (de ces) délais ».


Le texte précise que si entre-temps la partie défaillante a constitué avocat avant la délivrance de la signification, il doit être procédé par voie de notification audit avocat.


Le non-respect de ces exigences de signification ou de notification est prévu, selon les cas, à peine de caducité de la déclaration d’appel, ou d’irrecevabilité des conclusions, relevées d’office.




En l’espèce



Il s’infère de l’exposé des faits et de la procédure tels que retranscrits à l’arrêt de la Cour de Cassation qu’une partie a interjeté appel d’un jugement le 13 juillet 2018.


L’appelante a remis ses conclusions au greffe le 12 octobre 2018, dans le délai prévu à l’article 908 du Code de procédure civile[1]


L’intimée a constitué avocat le 13 novembre 2018.


L’appelante a notifié ses conclusions à l’avocat constitué le 14 novembre 2018.


Aux termes d’une ordonnance, le Conseiller de la mise en état de la Cour d’appel de PARIS a prononcé la caducité de l’appel pour non-respect du délai prévu à l’article 911 du Code de procédure civile.


Précisément, il était fait grief à l’appelante de ne pas avoir fait notifier ses conclusions à l’avocat constitué au soutien des intérêts de l’intimée dans le délai de quatre mois à compter de la déclaration d’appel[2]


Un pourvoi a été formé.


La problématique



Toute la question était de savoir de quelle façon interpréter le point de départ du délai prévu à l’article 911 du Code de procédure civile.


La question avait le mérite d’être posée, puisqu’en l’occurrence, la caducité de la déclaration d’appel a été prononcée à un jour près.


Il semble en effet que l’appelante ait cherché à jouer sur les mots.


L’article 911 dispose que la signification ou la notification imposées par le texte doit l’être « dans le mois suivant l'expiration des délais prévus » aux articles 905-2, 908 à 910 du Code de procédure civile.


Il apparait qu’en effectuant une lecture extensive de l’article 911, l’appelante a cherché à faire reconnaître que le point de départ de l’article 911 courrait postérieurement à l'expiration des délais pour conclure.


De façon schématique, le raisonnement de l’appelante était le suivant :




L’arrêt du 25 mars 2021



Au visa des articles 640, 641 et 911 du Code de procédure civile, la Cour de Cassation juge :


« Il résulte des articles 640 et 641 du code de procédure civile que lorsqu’un acte doit être accompli avant l’expiration d’un délai exprimé en mois, celui-ci a pour origine la date de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir et pour terme le jour qui porte le même quantième que le jour de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir.

Lorsque l’intimé n’a pas constitué avocat, l’article 911 du code de procédure civile impose à l’appelant de signifier les conclusions remises au greffe au plus tard dans le mois suivant l’expiration du délai de trois mois prévu à l’article 908 du code de procédure civile. Il en résulte, que dans ce cas, le délai de l’article 908 étant prolongé d’un mois, l’appelant dispose d’un délai de quatre mois suivant la déclaration d’appel.

Ayant constaté que la déclaration d’appel avait été déposée le 13 juillet 2018 et que l’ARES avait notifié ses conclusions à l’intimée le 14 novembre 2018, c’est à bon droit que la cour d’appel en a déduit que l’appelant avait jusqu’au 13 novembre 2018 pour notifier ses conclusions à l’intimé ou à son avocat s’il avait été constitué, et que, faute de l’avoir fait, la déclaration d’appel était caduque ».


Il s’évince de la motivation de l’arrêt que la Cour de Cassation n’a pas souhaité entrer dans le débat d’une lecture exégétique, extensive ou restrictive de l’article 911 du Code de procédure civile, et spécialement du sens à accorder aux termes « dans le mois suivant l’expiration du délai (etc… )».


A force de simplification cependant, on peut s’étonner de l’absence de clarté de l’explication en son sixièmement in fine
[3].


La Cour conclut en effet que de l’interprétation du texte, il convient de considérer que « le délai de l’article 908 est prolongé d’un mois ».


Pour finalement aboutir à la conclusion selon laquelle « l’appelant dispose d’un délai de quatre mois suivant la déclaration d’appel » pour signifier ou notifier ses écritures.


On admettra facilement qu'à proprement parler, le délai de trois mois pour conclure prévu à l’article 908 du Code de procédure civile n’est nullement allongé d’un mois supplémentaire par l’effet de l’application de l’article 911 du Code de procédure civile.


De toute évidence, la Cour aurait pu se dispenser d’une telle explication liée à l’allongement du délai de trois mois pour conclure, qui prête à confusion, pour œuvrer dans le sens d’une meilleure lisibilité des textes.


Il n’est nullement question « d’allongement de délai » au cas d’espèce, mais bien d’une application stricte de la règle de computation des délais.


L’article 640 du Code de procédure civile dispose en effet que « Lorsqu'un acte ou une formalité doit être accompli avant l'expiration d'un délai, celui-ci a pour origine la date de l'acte, de l'événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir ».


En l’occurrence, quel est la date, l’acte ou l’évènement qui fait courir le délai prévu à l’article 911 du Code de procédure civile ?


Le texte évoque l’expiration des délais légaux pour conclure ; en l’espèce, il s’agissait de l’expiration du délai incombant à l’appelante pour remettre ses conclusions au Greffe.


Ce délai expirant le 13 octobre 2018 à minuit, c’est bien de cette date dont il était question pour faire courir le délai d’un mois prévu à l’article 911 du Code de procédure civile.


L’argument de l’appelante ne pouvait prospérer dans la mesure où il aboutissait à considérer que la date ou l’évènement faisant courir le délai d’un mois ne compterait pas, lequel ne commencerait alors à courir qu’à compter du lendemain.


Or, un tel raisonnement ne s’applique qu’en matière de délais décomptés en jours au sens de l’alinéa 1er de l’article 641 du Code de procédure civile
[4]


Pour finir, bien que le texte ne le précise pas explicitement, mais tel que cela résulte d’une évidence pratique qui est utilement rappelée par la Cour de Cassation, le praticien gagnera en simplicité et en sécurité en comptabilisant le délai prévu à l’article 911 du Code de procédure civile à compter de la déclaration d’appel
[5], et en notant une alerte de précaution à +4 mois à compter de cette date.





Pour l’intimé au principal ou à l’appel incident en revanche, il conviendra d’être vigilant et de noter un délai de 4 mois pour signifier à un co-intimé défaillant, à compter du point de départ du délai 909 ou 910 pour conclure[6]








[1] Celui-ci expirant le 13 octobre 2018
[2] Soit en l’occurrence le 13 novembre 2018 avant minuit

[3] "Il en résulte, que dans ce cas, le délai de l’article 908 étant prolongé d’un mois (…)"
[4] « Lorsqu'un délai est exprimé en jours, celui de l'acte, de l'événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir ne compte pas ».
[5] Qui est également le point de départ de son délai pour conclure
[6] Soit la date de notification ou de signification des conclusions de l’appelant au principal, ou de l’appelant incident



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